Sarah a seize ans. Le soleil brille en cette douce après-midi de juin. La prof est absente. Avec l’approche de l’été les trois copines de première S trainent leur guêtres sur un banc du lycée. Assises sur le dossier, Sarah et Amandine discutent de choses de première importance, histoires d’adolescentes si souvent rééditées. Face à elles Carole, grande et fine, ses cheveux chatains tirés en arrière par son éternelle et austère queue de cheval, mène la danse. Le contraste est frappant entre la douce et brune Amandine, ses yeux bleus, ses manières calmes et posées, et Sarah, blonde, les yeux sombres, le geste rapide, imprécis, jeté. C’est une de ces après-midi comme les autres, qui n’en fini pas de s’étendre, languissante, sous un soleil de plomb, les lycéennes refont le monde, les vacances approchent, la cour est calme à cette heure.
Passant sous les arcades d’un batiment proche, un jeune homme s’arrête. Il observe les trois jeunes filles et interpelle Carole. Son regard accroche celui de Sarah. Le monde a bougé.
Elles discutent toutes deux, Carole éloignée, le débit de Sarah est haché, sa pensée ailleurs. Elle n’est plus tout à fait là, plus tout à fait elle même déjà. Le vent s’est levé. Carole et le jeune homme ont un court échange, regardent vers elles, sourient, se saluent. Il s’éloigne. Une, deux? minutes sont passées. Carole est de retour, elle répond à l’interrogation muette:
- C’est Axel, un copain de l’assoc, tu sais, mon association de jeux de rôles.
Silence.
- Il me demandait qui était la jolie blonde sur le banc.
Sarah ramène le regard qu’elle avait laissé se perdre là où il a disparu. Elle passe une main dans ses cheveux, ricane, hausse les épaules, commence à planquer tout ce qui ne se dit pas. Enfin elle émet le commentaire idoine:
- Ah…
Une quelconque remarque dépréciative, autant à son égard qu’à celui des dragueurs et autres adolescents sans intérêt, suit. Puis elle détourne la conversation avant de s’abimer dans le silence. En arrière-plan les briques se mettent en place. C’était un ciel d’orage.
Elle est encore jeune, croit encore que jamais un homme ne dirigera sa vie. Celui-ci vient de la faire basculer. La cloche sonne l’inter-cours, les classes déversent des flots de visages et de paroles. La cour est vite envahie. Elles ramassent leurs sacs à dos et rentrent dans le cube grisatre où leur est dispensé le savoir.
*
C’était en mai, voyage en Italie, une cinquantaine de lycéens de première entassés avec leurs professeurs dans un car de tourisme. Ca papote, ça rie, ça crie, un vrai poulailler où les coqs sont rares, seuls une petit dizaine de gars font le voyage.
C’était en mai, Sarah revoyait enfin le soleil et un semblant de chaleur. Depuis peu elle sortait, expression consacrée, avec un jeune garçon, plan en bois monté par une copine de sa classe, Angela, qui avait trouvé super drôle que sa super copine sorte avec le super copain de son petit ami. Super copain qui en l’occurence avait repéré une Sarah qui elle ne l’avait jamais vu. Une soirée mousse en boite, une présentation sommaire après un briefing interminable et le tour était joué. Olivier, grand (non elle ne te rejoindras pas dans la mousse là où tu es, elle n’a pas pied!), brun, déguingandé, était devenu officiellement le petit copain de Sarah. Sauf qu’après trois semaines à peine à laisser trainer cette relation, Sarah sentait bien l’inutilité de la chose. Incapable de sortir un mot, elle passait les récréations à ses cotés, à écouter les quolibets d’un copain à lui qui se croyait le plus malin. Fort heureusement, il eu l’intelligence de venir la voir peu avant le départ, lui disant gentiment, qu’ils devraient faire une pause dans leur relation et voir à son retour d’Italie où ils en étaient. Loin d’être véxée de cette façon détournée de la plaquer, Sarah acquiesa, gardant pour son for intérieur la réplique acerbe qui aurait signifié que pour elle s’était déjà tout vu.
Le car avancait sur les routes de France, la nuit approchait. Nicolas faisait le pitre, comme à l’accoutumée. Sarah, isolée, regardait le groupe, riait de bon coeur. Depuis quelques temps déjà, il lui était apparu sous un nouveau jour. La faute a une ou deux remarques gentilles qu’il avait eu le malheur de lui glisser. Juché sur la banquette arrière du car, au centre de sa cour, il faisait des couettes à ses cheveux longs, couvé du regard par son ex. Sarah analysait tout cela, l’envie de Lydia, les rires des copains, la façon innée qu’il avait de capter l’attention, de faire rire, même, voire surtout, de lui. Innée ou acquise? Compensait-il par là… Perdue dans ses pensées elle n’a plus pris garde à ses regards, la voilà plongée dans ses yeux verts. Rougisseante elle détourne vite la tête, replongeant dans son Stephen King.
Syrtlean (27 février 2008) - à suivre…
3 commentaires sur " Parlez-moi de la pluie et non pas du beau temps "
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Tu te mets aux nouvelles ?… Je te vois venir tu sais…
Dois-je me vexer de l’apprendre ainsi, tout à fait par hasard ? Faudrait vraiment qu’on se croise plus souvent tous les deux !
Quelque chose me dit en tous cas qu’il y aura dans cette histoire une certaine conotation Autobiographique, je me trompe ?… Allé je te fais de gros bisous, et n’oublie pas de venir me visiter toi aussi de temps en temps. Je viens de finir ma dernière nouvelle ! A bientôt. B.
bibi -> toujours lente, la suite est a peine démarrée sur un cahier d’écolier.
lechanoir -> je ne m’y met pas, je m’y remet, et puis ce n’est pas vraiment une nouvelle, plus un coup d’essai, des bouts à raccorder entre eux un jour. Mais tout me vient plus comme un film, des scènes de scénario que j’aimerai filmer. Bref. Surtout ne te vexe pas, je n’en ai pas parlé, à personne, et non, même pas à toi pourtant l’un des plus appropriés pour cela! Quand à la biographie c’est ce qui est amusant, mêler le vécu au romancé! Je puiserai pour l’instant dans mon histoire et celles que l’on m’a contées pour broder dessus, mais hors de question que je précise ce qui vient de ma vie, de celle des autres ou de mon imagination. A très bientôt et je ne manquerai pas de te lire.